mardi 16 mai 2023


Ali Boumahdi, Romancier du Titteri (1934-1994)
Ali Boumahdi est né le 17 mai 1934 dans le village de Berrouaghia, situé au sud de Médéa. A cette époque, l’ordre colonial régnait en Algérie, et les paysans du Titteri, expropriés de leurs terres, étaient exploités par les colons français. Alors que tous les enfants européens sont scolarisés, bien peu de jeunes musulmans ont accès à l’enseignement. Pourtant Ali Boumahdi échappera à la misère, grâce à l’obtention de certificat d’études, une véritable prouesse pour un jeune musulman, dont les camarades de jeu sont condamnés à l’illettrisme. Ce diplôme lui ouvre les portes de l’enseignement secondaire, du savoir, et finalement de la liberté. Il a laissé un témoignage de sa jeunesse dans Le village des asphodèles, récit autobiographique publié en France en 1970.
Il faut préciser que ce parcours n’est pas le fruit du hasard: il a été rendu possible grâce à trois facteurs déterminants. Le premier est d’ordre familial. En effet, Ali était l’aîné de huit enfants, quatre garçons et quatre filles. A ce titre, il a eu droit à beaucoup d’égards et de largesses de la part de ses parents, qui l’ont encouragé et lui ont financé ses études en France. D’après sa mère, Khadoudja, il était doué dès son plus jeune âge et était toujours le premier de la classe; mais quelquefois, la maîtresse la classait en seconde position car il ne respectait pas toujours la discipline. Le second facteur est d’ordre social. Ali appartenait à deux grandes familles aisées. Son père Kaddour était propriétaire à Oued Chaïr de terres fertiles (nommées dans le roman les terres du “fleuve d’orge”) qui produisaient en abondance blé et amandes. De plus, Kaddour gérait avec son frère Saïd une épicerie qui leur procurait café, huile, sucre, et tissu. Quant à Khadoudja, elle était issue d’une famille bourgeoise dont le père, M`hamed Zoubiri, riche propriétaire de Médéa, exportait des moutons vers la France. Enfin, le troisième facteur est d’ordre culturel. Kaddour, lui même fils de cadi, était cultivé; il appréciait la poésie et lisait les grands auteurs arabes. Et du côté de la famille maternelle, la culture était aussi très présente puisque M`hamed Zoubiri a beaucoup oeuvré pour l’enseignement de la langue arabe; il a également participé aux activités de l’association des Ulémas Musulmans Algériens créée par le célèbre savant réformateur Ibn Badis. M`hamed Zoubiri a aussi ouvert une médersa qui est encore en activité aujourd’hui et porte son nom. Voilà les éléments favorables qui ont facilité la destinée particulière du jeune Ali.
C’est au moment où éclate la guerre d’indépendance algérienne qu’Ali Boumahdi part pour la France afin de poursuivre des études supérieures d’anglais, à la Sorbonne. Au cours de sa première année à Paris, il rencontre une jeune française, Nicole Picard, inscrite comme lui en propédeutique. Issue de la petite bourgeoisie de la région de Meaux (ses parents sont instituteurs), Nicole est une jeune fille brillante qui a collectionné les prix d’excellence au lycée de Meaux et remporté le premier prix d’anglais au concours général. Pour des raisons politiques, le début de leur relation va s’avérer des plus difficiles. On peut aisément imaginer les obstacles qui vont se présenter au jeune couple alors que la France et l’Algérie sont en guerre. Ali est obligé de s’exiler à Londres en 1958. Cet exil forcé lui permet néanmoins de se perfectionner en anglais, et sa remarquable maîtrise de la langue de Shakespeare (un de ses auteurs préférés, qu’il se plaisait à citer) lui permet d’obtenir le CAPES à son retour en France.


 

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